ELLES ONT BRISÉ LE PLAFOND DE VERRE : Confidences et règles d’or

Le 25 février 2020, Premières en affaires a réuni une trentaine de cadres exécutives à l’Hôtel Birks pour connaître les coulisses du chemin qui mène au-delà du plafond de verre. Les scoops sont à lire en primeur dans cet article.

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À plusieurs étapes de leur carrière les femmes rencontrent des succès, mais aussi des obstacles et des défis.  Et quand vient le temps de négocier ou de faire valoir son point, c’est parfois difficile de le faire avec aplomb. Caroline Biron, associée directrice de la boutique de litige Woods n’a pas ce problème. Elle a plaidé devant la Cour suprême du Canada, la Cour supérieure, la Cour d’appel et la Cour fédérale ainsi que devant plusieurs tribunaux administratifs.

Caroline Biron n’en est pas à sa première bataille, ni à sa première déception, et constate à quel point la répartition des rôles, au bureau et à la maison, demeure imperméable à l’évolution de la société.

« En 2020, les femmes ont encore à se battre pour conjuguer carrière et maternité  » - Caroline Biron

Étoile confirmée dans l’univers du litige commercial, elle a voulu réunir des femmes qui ont brisé les plafonds de verre avec Premières en affaires pour faire le point sur certains non-dits.

Au cours de la matinée, nombreuses ont été celles qui ont levé la main pour se reconnaître dans le rôle de l’imposteur.

Nombreuses sont celles qui assument aussi, en même temps, leur pouvoir et qui avancent, grâce à des modèles, et des politiques qui donnent le ton, surtout au Québec, où la culture de la parité semble avoir créé un précédent qui fait jurisprudence.

Quels sont les secrets de ces avancées ? La réponse avec ces quelques règles d’or.

1. Avoir des modèles féminins

On dit souvent que c’est important pour les jeunes femmes si on veut qu’elles osent prendre leur place et aspirent gravir les échelons dans des sphères largement masculines. Véronique Dorval, vice-présidente, acquisition de clients, engagement et fidélisation à la Financière Sunlife, a réalisé récemment à quel point la place des femmes dans des postes de leadership et les politiques d’entreprises pouvaient changer la donne.

« En 2010, l’arrivée d’Isabelle Hudon à la présidence de Sun Life avait vraiment eu un gros effet pour les femmes à l’interne, se souvient-elle. Isabelle Hudon et Brigitte Parent, qui dirigeaient une unité d’affaires au niveau national, ont été de bons role models. » - Véronique Dorval

Même son de cloche chez Lyne Martel, chef des ressources humaines chez TC, qui insiste sur l’importance d’avoir bénéficié d’appuis, de modèles et de pouvoir aujourd’hui donner l’exemple à une époque où les codes ont changé.

2. Être en désaccord et l’exprimer 

Si bien des femmes ont de la difficulté à avoir confiance en elles et à prendre leur place, ce n’est pas le cas de Nathalia del Moral Fleury. À 32 ans, elle a obtenu son poste de directrice générale Amérique du Nord chez Yves Rocher.

 « Au début, je pense que j’étais vue comme la petite jeune à qui on faisait une faveur pour remplir des quotas. Mais j’ai quand même saisi l’opportunité. Le poste venait avec beaucoup de pression. Je n’avais pas droit à l’erreur. » - Nathalia del Moral Fleury

 Alors qu’elle voyait que, plusieurs femmes n’osaient pas parler si elles étaient en désaccord, elle a senti comme directrice générale la responsabilité de les aider à prendre leurs aises. Une place qui lui permet aussi de promouvoir l’avancement d’autres femmes. « Parce que chez Yves Rocher, 90% des employés sont des femmes, mais les comités de direction et les directions générales sont encore très masculins. »

3. Lâcher prise

Pour Carolyne Doyon, présidente directrice-générale, Club Med Amérique du Nord, il a fallu admettre que son rôle de leader, lui revenait tout simplement, après avoir fait sa place et ses preuves dans un groupe international de culture française.

 « Au lieu de m’en faire avant de me rendre à un comité de direction, j’ai décidé de faire comme mes collègues masculins et de laisser parler mes compétences.  » - Carolyne Doyon

Idem pour Marie-Chantal Lortie, chef des partenariats à la BDC et incontournable figure du développement économique au féminin qui doit sa réussite à ses compétences, et à sa bonne humeur.

 « Si j’ai une rencontre importante mais que je suis retenue par un coup de fil pour parler à une de mes filles, je vais quand même chercher mon latte avant, ce qui ne pose aucun problème à mes collégues masculins » - Marie-Chantal Lortie

4. Rester femme

Dans les rôles de leadership, plusieurs femmes veulent adopter les comportements masculins. Pour Hélène Brisebois, présidente de SDK, une firme de génie conseil spécialisée en structure, il est important d’assumer l’instinct féminin, avec la part de doutes que cela comporte, surtout quand il s’agit de prendre une décision d’affaires.

« Lors d’une rencontre stratégique où j’étais en minorité avec une autre femme, alors qu’il était question d’échéanciers, l’un de nos collègues masculins s’est rallié à nos réserves en affirmant que sans nous, l’équipe allait droit au mur. » - Hélène Brisebois

Même son de cloche pour Suzanne Bergeron, présidente de Sodexo Canada, qui dit avoir accepté le poste parce qu’elle avait toute la latitude de ses pairs pour mettre de l’avant une structure conforme à ses valeurs.

« J’ai posé des gestes concrets : je n’écris plus de courriels en fin de semaine. Et quand un employé ou une employée s’excuse pour dire que son enfant est malade et qu’il ou elle ne présentera pas au travail, je leur demande de ne pas s’excuser car la famille passe avant tout. » - Suzanne Bergeron

5. Formuler des demandes claires et compter sur des appuis

Pour avoir ce qu’elles désirent, les femmes doivent oser en parler avec leurs équipes de gestion. Comme Chantal Pitre, directrice nationale, femmes entrepreneures à la Banque TD, qui a raconté avoir demandé à sa direction, basée à Toronto, de partir trois mois en congé de maternité, puis de revenir au travail une journée par semaine pour le reste de l’année. Une demande accueillie avec bienveillance et ouverture par le groupe.

Pour Maria Mangiocavallo, Vice-présidente, service aux entreprises à la Scotia, la culture change lentement, mais les choses avancent dans le domaine financier qui a souvent été chasse gardée des hommes.

Kathy Fazel, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez RBC est d’accord. Année après année, elle a fait sa place dans un milieu où elle partage aujourd’hui les responsabilités avec des collègues masculins en bonne intelligence.

6. Favoriser le dialogue en entreprise

Habi Gerba, présidentes de Gazelles, un label qui habille les femmes dans leur quotidien, insiste sur l’importance d’avoir des modèles et des lignes tracées pour les femmes qui ne sont pas toutes égales en matière de détermination.

Hélène Roger, de Un architecture, partage cet avis et dit qu’il est important de donner de la latitude aux employés quand vient le temps de leur laisser concilier leur vie personnelle avec les obligations car la relation se consolide avec cette confiance.

C’est aussi l’avis de Samantha Golinski, chef des affaires publiques et communications mondiales, chez CAE, qui a fondé un groupe de leadership féminin au sein de sa firme pour faire avancer le dialogue. Amélie Brouhard, qui a succédé à Carolyne Doyon comme vice-présidence pour le Canada et le Mexique pour Club Med et bénéficié d’un modèle positif.

« J’ai vu Carolyne réussir et je me suis dit que c’était possible car elle m’encourage aussi à le faire » - Amélie Brouhard

7. Ne pas perdre le Nord

La réputation de Suzanne Pringle, de Pringle et Associés Avocats, n’est plus à faire. Quand on entend celle qui a porté un célèbre dossier de droit de la famille en Cour suprême, on comprend pourquoi. Dans sa pratique, axée sur les questions de droit de la famille, Suzanne Pringle voit régulièrement des femmes accomplies, qui ont tout réussi, sauf protéger leurs acquis.

Si vis pacem, para bellum (« Si tu veux la paix, prépare la guerre » en français) - Suzanne Pringle

Johanne Claveau, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez RBC admet elle aussi avoir à exposer à des clientes certaines dispositions encore méconnues du droit de la famille, dont les codes maintiennent des inégalités héritées d’un autre siècle.

8. Savoir prendre les choses en main

«Finalement, ce n’est pas juste pour le salaire qu’il faut lever la main. Il faut aussi le faire pour dire ce qu’on veut et comment on souhaite que les choses se passent. Il ne faut pas attendre qu’on vienne nous offrir les opportunités.» résume Marie Grégoire, éditrice de Premières en affaires.

C’est bien l’avis de Manon Genest, associée fondatrice de la firme TACT Conseil, qui est passé au delà des défis avec une attitude positive qu’elle a insufflée dans la culture d’entreprise.

Message reçu. La rédaction de Premières en affaires se penche déjà sur de prochains sujets.

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Crédit Mathieu Lamarre

Premières en affaires