Virage numérique : la presse papier continue de faire ses preuves

 

Mardi 15 juin 2021

Virage numérique : la presse papier continue de faire ses preuves

Jeff Bezos a racheté le Washington Post en 2013 pour la somme de 250 millions de dollars. Cette transaction a permis de doubler le trafic sur le web et de rentabiliser le journal face à la baisse des revenus publicitaires.

Au Québec comme ailleurs, à l’ère du numérique et des réseaux sociaux, l’intérêt pour la presse papier ne se dément pas. Mais les habitudes des lecteurs changent et les modèles d’affaires évoluent. Pour prendre le pouls de l’industrie, Vicky Boudreau s’est entretenue avec Brian Myles, qui a repris les rênes du quotidien Le Devoir en 2016. Elle a aussi échangé avec Sophie Banford, éditrice des magazine Véro, Elle, Josée di Stasio, et K pour Katrine. Les deux dirigeants misent sur une approche hybride qui fait ses preuves.

Les lecteurs plébiscitent Le Devoir

Le 5 juin dernier, Le Devoir publiait son rapport annuel 2020 sous le thème de « L’année de la résilience ». Selon son directeur, Brian Myles, si le quotidien est rentable pour une quatrième année consécutive, c’est le résultat d’une gestion prudente et d’un usage judicieux des crédits d’impôt pour soutenir le journalisme. C’est aussi grâce à l’engagement des lecteurs qui se traduit par des abonnements et des dons représentant aujourd’hui les deux tiers des revenus du quotidien.

« L’engagement des lecteurs se traduit par des abonnements et des dons qui représentent aujourd’hui les deux tiers des revenus du quotidien Le Devoir »

Concept fétiche des comités de direction en grandes entreprises, l’agilité est intimement liée à l’ADN de la rédaction depuis ses tout débuts. Dans une industrie en transition, la créativité nécessaire à habiliter son équipe pour réussir avec peu de moyens exige une capacité constante d’innover.

Cette culture d’entreprise propice au débat d’idées, la résilience des méthodes de gestion, mais aussi la qualité et le sérieux des textes journalistiques sont au cœur d’un plébiscite qui se renouvelle année après année, dans un paysage médiatique où La Presse ne publie plus de journaux imprimés depuis 2016.  

 Numérique et papier : une approche complémentaire

À la rédaction du journal Le Devoir, la pandémie a aussi servi d’accélérateur pour la prise de décisions. Alors que l’équipe cherchait depuis un moment à identifier le moment le plus opportun pour procéder à l’intégration de nouveaux outils internes en gestion de contenu, la situation a précipité ce changement avec grand succès.

Le virage numérique permet ainsi de capter une réactivité du public sans précédent, sans pour autant nuire à l’édition papier. La croissance des audiences, la diversification des contenus et la valorisation de la multitude des points de vue sont des priorités avec lesquelles la direction va composer tout en conservant les acquis… et en misant sur la pertinence de l’imprimé qui se confirme, en dépit du temps que les audiences passent devant les écrans.

Le papier comme antidote à la surexposition

Pour Sophie Banford, qui est à la tête de KO Média, le succès des magazines papier est justement alimenté par le besoin de décrocher. La maison d’édition a même fait l’acquisition des titres Elle Québec et Elle Canada en 2019.

Un choix plus que stratégique quand la lecture papier fait figure d’antidote détox à la surexposition aux contenus électroniques.

« Alors qu’on demande à nos enfants de décrocher de leurs tablettes, on doit donner l’exemple en nous accordant du temps de lecture papier » - Sophie Banford

« Alors qu’on demande à nos enfants de décrocher de leurs tablettes, on doit donner l’exemple en nous accordant du temps de lecture papier. En 2021, c’est un luxe de pouvoir se dire ‘je choisis de lire un magazine sans interruption’ », affirme Sophie Banford.

Avec moins de 5 % du marché des livres, les résultats des ventes sur liseuses et tablettes confirment la solidité du lien des lecteurs avec le papier.

Chez KO, la décision de conserver un ratio élevé de contenu rédactionnel par rapport au volume publicitaire (70 % par rapport à une moyenne de 50 %) se combine avec une structure financière qui privilégie l’expérience du lecteur. Les principales sources de revenus sont la vente en kiosque, tandis que les revenus publicitaires ont été réduits avec la pandémie.

Tourner les pages pour prendre du recul

S’ils ont aussi leurs plateformes sociales en ligne, les magazines papier de KO Média offrent une qualité de contenu différente. On peut penser aux séances photos qui sont réalisées avec une équipe de production complète – stylistes, coiffeurs, maquilleurs, direction artistique – tout autant qu’aux articles de fond. Le rythme de publication des titres papier permet de pousser la création à un autre niveau et offre un certain recul pour observer et documenter les tendances lourdes. Exit les faits divers, on se penche sur les tendances de société.

Les magazines de la maison d’édition abordent ainsi sans détour l’inclusion sous toutes ses formes (âge, corps, orientation ou identité de genre) avec des images qui réveillent les consciences. Pas question de changer de cap pour la direction qui compte embrasser cette diversité dans les années à venir.


EN CHIFFRES

Toutes plateformes confondues, Le Devoir est lu par 1,5 million de personnes chaque semaine. Les quatre magazines publiés par KO Média sont tirés à 1,45 millions d’exemplaires chaque année.


 
 

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